Esplendor Geométrico

Arturo Lanz d’Esplendor Geométrico

Jouir des rythmes qui sortent des machines jusqu’à perdre l’identité.
Arturo Lanz
d’Esplendor Geométrico.

En septembre 1980, en raison de sérieuses divergences musicales, Sincotrón (Arturo Lanz), Multiplexor (Gabriel Riaza) et 32-32 (Juan Carlos Sastre) quittent le collectif El Aviador Dro y sus obreros especializados, groupe pionnier de la musique électronique espagnole, pour créer leur propre formation, Esplendor Geométrico. Tirant son nom d’un manifeste du futuriste italien Marinetti, le groupe commence à donner des concerts à Madrid avant de publier un premier single intitulé Necrosis en la poya (Necrosis sur la queue) en 1981. Un peu plus tôt, le label allemand Ata Tak avait inclus le morceau Moscú está helado sur la compilation Fix Planet. Bien qu’assimilé à tort à la Nueva Ola, on peut encore entendre sur ce morceau, devenu un classique du groupe, des motifs ou sonorités synth, même si les textes des morceaux évoquent déjà un univers sombre et provocant.

Une première cassette auto-éditée la même année et sobrement intitulée EG-1 confirme la teneur expérimentale du projet Esplendor Geométrico et son progressif abandon de l’idée même de morceau au profit d’œuvres sonores bruitistes et bientôt industrielles. La rupture avec les secteurs pop de la scène musicale indépendante de l’époque se fait évidente, notamment en raison de certaines déclarations du groupe sur la Nueva Ola, qui lui valent un progressif isolement médiatique. A l’époque, se souvient Lanz, nous étions assez terribles, dans le genre radical, et les gens de la scène cessèrent de nous parler. Nous étions plus punks que les punks ; ceux de la Movida nous voyaient comme des animaux bizarres.

Arturo Lanz et Gabriel Riaza d’Esplendor Geometrico,
Bordeaux, années 80

Crées par Lanz ou samplées de discours et harangues populaires, les paroles du groupe cherchent en effet à provoquer, à l’image des morceaux Negros hambrientos (Noirs affamés) ou Muerte a escala industrial (Mort à échelle industrielle). Transgressif et politiquement ambigu, l’imaginaire développé alors par Esplendor Geométrico, s’il était conçu aujourd’hui, mènerait sans doute ses membres directement en prison.

Qu’à cela ne tienne, malgré le départ amical de Juan Carlos Sastre, qui réalise encore quelques pochettes du groupe, Esplendor Geométrico enfonce le clou en publiant, en 1982, son premier album, El acero del partido. Suit un silence de trois ans du à l’exil provisoire de Gabriel Riaza à Melilla pour raisons professionnelles. Le groupe réapparait en 1985 avec un deuxième album, Comisario de la luz / Blanco de fuerza, qui inaugure le label monté par Riaza et le vieil ami du groupe (également ex-Aviador Dro), Andrés Noarbe. La voix disparait, les rythmes et le son du disque se font plus âpres. Le groupe développe à partir de ces années une activité fébrile, tant en termes d’auto-édition que de concerts, dont certains sont retranscrits sur cassette: EG en Roma (1986) et EG en directo: Madrid y Tolosa (1987). Très physique, dégageant une énergie primitive et tribale, le groupe parvient à rompre sur scène avec l’image froide généralement associée à la musique électronique expérimentale.

EG-1, cassette auto-éditée, 1981

Les travaux les plus créatifs d’Esplendor Geométrico parviennent à la fin des années 80, avec notamment les LPs Kosmos Kino (1987) et, surtout, Mekano-Turbo (1988), considéré par beaucoup comme le chef-d’œuvre du groupe. L’obsession du rythme y devient dansante et la palette sonore du groupe s’élargit, s’alliant pour la première fois à des influences orientales. La voix d’Arturo Lanz réapparait, parfaitement couplée à des tempos toujours plus marqués. Esplendor Geométrico semble alors avoir trouvé le parfait équilibre entre violence sonore et exploration plus subtile de soundscapes, élaborant une ethno-trance qui rappelle notamment les expériences de 23Skidoo.

Converti à l’islam, Gabriel Riaza abandonne le groupe en 1993. Résidant depuis de nombreuses années en Chine, Arturo Lanz continue à composer et à donner des concerts sous le nom d’Esplendor Geométrico en compagnie de l’italien Saverio Evangelista. Généralement sous-estimée par rapport à celle de groupes tels Throbbing Gristle, Whitehouse ou SPK, l’influence d’Esplendor Geométrico sur la scène électronique contemporaine est pourtant notoire. Des artistes aussi importants qu’Autechre, Aphex Twin, Pan Sonic ou Mouse on Mars, qui utilise parfois des samples de Moscú está helado en direct, s’en réclament.

En janvier 2017, le groupe a publié sur le label Rotor Discos un nouvel album, intitulé Fluida Mekaniko.

Plus d’infos : http://www.rotordiscos.com/esplendor/

DISCOGRAPHIE (ANNÉES 80)

Necrosis en la poya, Single, Tic Tac, 1981.
EG-1,
Cassette, auto-édition, 1981.
El acero del partido / Héroe del trabajo
, LP, Tic Tac, 1982.
Comisario de la luz
/ Blanco de fuerza, LP, Discos Esplendor Geométrico, 1985.
1980-1981,
Cassette, Discos Esplendor Geométrico, 1986.
En Roma,
Cassette, Discos Esplendor Geométrico, 1986.
En directo: Madrid y Tolosa,
Cassette, Discos Esplendor Geométrico, 1987.
Kosmos kino,
LP, Discos Esplendor Geométrico, 1987.
Mekano-turbo,
LP, Discos Esplendor Geométrico, 1988.
Madrid mayo ’89,
Cassette, Discos Esplendor Geométrico, 1989.
1980-1982, Compilation Double CD, Staalplaat, 1993.
Contient EG 1, Héroe del trabajo / El acero del partido et Necrosis en la poya.
1983-1987, Compilation CD, Geometrik, 1994.
Réédition de Comisario de la luz / Blanco de fuerza + 4 bonus tracks.
80’s tracks, Compilation CD, Apocalyptic Vision, 1996.
Nador, Compilation CD, Daft Records, 1995.
Contient des morceaux inédits des années 1988-89.
Tarikat, Compilation Double CD, 1997.
Contient des morceaux des années 1986-89.

PERSONNEL (ANNÉES 80)

Arturo LanzGabriel RiazaJuan Carlos Sastre.

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